Le premier mannequin d’accouchement, au 18ème siècle

Si la médicalisation de l’accouchement est parfois contestée par des partisans du retour à la nature, on oublie qu’elle a fait pratiquement disparaître le risque de mourir en couches, divisé par 70 entre le 18ème siècle[1] et notre époque…

Née en 1712, Marie-Angélique Le Boursier du Coudray fait son apprentissage de sage-femme à Clermont Ferrand et exerce sa profession pendant 16 ans à Paris. Elle connait parfaitement les dangers qui entourent l’accouchement, qu’elle attribue particulièrement à l’absence de formation standardisée des sage-femmes et l’ignorance des « matrones ». Elle s’attache à cette mission à son retour en Auvergne, et son action consiste à faire « que la naissance ne soit plus seulement un acte de charité et de solidarité féminine, mais un acte médical exercé par des professionnelles de la santé ». (Consultez le certificat d’accouchement)

Elle rédige un manuel, publié pour la première fois en 1759, réédité 6 fois de son vivant ; elle l’illustrera progressivement de planches dessinées, en couleur, pour en faciliter la compréhension. Et surtout elle fabrique un « mannequin d’accouchement » très ingénieux, conçu autour d’un bassin en os :

  • Il représente la partie inférieure du corps jusqu’à mi-cuisse
  • Les différentes pièces sont en toile doublée de peau de mouton et rembourrées de coton, avec des armatures en fer
  • Les différentes parties sont identifiées par des étiquettes écrites à la plume et cousues à la main
  • Tout un jeu de ficelles et de lanières simule la dilatation du col et du périnée au passage du fœtus, pour montrer la dynamique de l’accouchement
  • Le « bébé » est fabriqué des mêmes matières

Plusieurs bébés sont disponibles :

  • Un enfant à terme, dont les yeux et les cheveux sont dessinés à l’encre de Chine ; sa bouche est ouverte, permettant d’enseigner la manœuvre de Mauriceau dans l’accouchement par le siège
  • Un fœtus de 7 mois, émergeant d’une poche utérine taillée en deux, montrant le lien entre cordon ombilical et placenta (figuré par une éponge naturelle). La face fœtale est brodée avec des fils bleu et rouge pour figurer veines et artères.
  • Des vrais jumeaux, reliés à un seul placenta
  • Une tête d’enfant aplatie, aux os qui se chevauchent, pour expliquer le diagnostic de mort fœtale

En 1759, elle obtient un brevet royal qui va lui permettre d’entreprendre un tour de France obstétrical, pour former des sage-femmes et aussi des médecins formateurs ; on estime qu’elle aurait formé plus de 5.000 accoucheuses.

Le seul exemplaire du mannequin d’accouchement est exposé au musée Flaubert et d’histoire de la Médecine, à Rouen[2]. Il occupe la maison natale de Gustave Flaubert, dans l’ancien hôpital appelé « Hôtel-Dieu », où Achille Flaubert, père de Gustave, était chirurgien.


[1] H. Gutierrez, J. Houdaille. La mortalité maternelle en France au XVIIIe siècle. In: Population, 38ᵉ année, n°6, 1983. pp. 975-994.

[2] Musée Flaubert et d’histoire de la Médecine, 51, rue de Lecat – 76000 Rouen

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