PSFP recherche et développement

« Les programmes de prévention des addictions nord-américains sont-ils réalisables dans un contexte culturel et contextuel européen ? »

 

Cette question, posée par Grégory Buckart [1] dans son analyse de l’implantation de quatre de ces programmes (dont SFP, pour Strengthening Family Program) dans plusieurs pays européens, apportait un éclairage détaillé des modalités « clefs » d’adaptation à suivre pour y parvenir.

 

Bien plus qu’une simple réplique du programme, sa transplantation doit assurer l’équilibre entre adaptation et fidélité, cette dernière étant garante du maintien de son efficacité. Aussi, les fondamentaux au cœur du programme doivent être respectés :

  • Les objectifs généraux
  • La durée du programme et sa structure en 3 temps (parents/enfants/familles)
  • L’animation des sessions par des animateurs formés et expérimentés

 

L’ensemble des pays européens a réalisé l’adaptation de SFP au travers de sessions pilotes, où ont été interrogés tous les participants.

 

En 2011, neuf pays européens avaient déjà adopté SFP avec succès : Allemagne, Espagne, Hollande, Irlande, Pologne, Portugal, Royaume Uni, Slovénie, Suède.

 

Les avantages considérables à implanter un programme basé sur des données probantes sont le temps et la qualité gagnés à la fois sur la recherche qui conduit à la structuration du programme, la disponibilité de manuels d’application, et les évaluations scientifiques multiples qui attestent de son efficacité.

 

Les freins à cette implantation sont les différences culturelles des populations auquel il s’adresse, une forme d’a priori contre des actions structurées qui ne viendraient pas des publics eux-mêmes, laissant suspecter une recherche de normes parentales qui s’applique à tous. Enfin les organisations professionnelles spécifiques à chaque pays laissent craindre des difficultés à le mettre en place.

 

Ainsi, malgré son achèvement et son utilisation dans 35 pays au monde, dont 9 pays européens, il aura fallu 7 ans et 3 étapes majeures à SFP ou Strengthening Family Program pour devenir, dans la voix des familles françaises PSFP, ou Programme de Soutien aux Familles et à la Parentalité, « parce qu’elles ont d’abord noté l’impact global dans leurs familles avant de mesurer que l’évolution de leurs compétences parentales en étaient la cause ».

 

Ces 7 années ont permis d’adapter le programme :

  • culturellement aux us et coutumes des familles françaises ; l’ensemble des normes et valeurs partagées
  • contextuellement en élaborant un protocole d’implantation qui soit en adéquation avec l’organisation politique, professionnelle et sociale

 

Elles ont permis d’en valider la version française en l’évaluant à grande échelle.

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Première étape en 2011-2012 : étude d’acceptabilité et de faisabilité dans une commune

 

Celle-ci a été réalisée dans une commune des Alpes Maritimes connue pour son implication dans l’innovation sociale, Mouans-Sartoux. Les professionnels et les familles interrogés ont répondu, avec une large majorité, que le programme était acceptable et réalisable en France.

 

Les professionnels ont exprimé davantage de craintes que les parents, en lien avec :

  • la longueur du programme (14 sessions de 2h)
  • la capacité des parents à se mettre en situation d’apprentissage devant leurs enfants et d’autres parents.

 

Treize familles ont constitué le premier groupe d’application du programme :

  • 92 % de ces familles ont été assidues aux 14 sessions ;
  • l’évaluation d’efficacité. immédiate du programme a été réalisée par Karol Kumpfer[2] elle-même, mettant en évidence une évolution significative des compétences parentales entre le début et la fin du programme ;
  • une première phase d’adaptation du programme à notre culture a été réalisée, au regard des remarques et suggestions des parents et des animateurs[3]

 

 

Deuxième étape en 2013-2014 en quartiers “politique de la ville” de Grasse et Carros, Mouans Sartoux implantant une deuxième fois le programme, pour un total de 32 familles.

 

L’évaluation du programme a été réalisée avec des versions adaptées du matériel de Karol Kumpfer[4] :

  • 81 % des familles ont été assidues ;
  • l’augmentation moyenne des compétences parentales, entre le début et la fin du programme, a été de plus de 40 %, dans les domaines suivants :
    • qualité du temps passé avec son enfant ;
    • identification et gestion des émotions ;
    • communication et cohésion familiale ;
    • autorité parentale, règles et limites ;
    • supervision et implication parentales ;
    • posture et constance éducative ;
    • sentiment d’efficacité parentale.

 

Il n’y a pas eu de différence notable entre les scores des trois villes

 

Cette deuxième phase d’implantation a permis de faire évoluer en profondeur :

  • l’adaptation culturelle du programme, c’est-à-dire son expression et son animation dans le respect de nos normes et valeurs, au travers du vocabulaire et des illustrations des activités proposées aux parents et aux enfants. Le choix d’aborder le chapitre « addictions » par la gestion familiale des écrans a été acté. L’ensemble des guides d’animation a été réécrit et une vidéo support d’animation réalisée avec les familles elles-mêmes.
  • l’adaptation contextuelle du programme, permettant de l’intégrer le mieux possible à l’organisation professionnelle locale.

 

La ville, carrefour de tous les acteurs présents autour des familles, a semblé constituer le bon niveau pour l’implantation de PSFP. Elle permet la mobilisation partenariale de tous les acteurs de terrain en lien avec les familles, sans laquelle PSFP n’existe pas, pour une longue phase d’information concrète sur le programme, ses origines et ses effets. Elle a constitué un socle de confiance réciproque, base de l’orientation et de l’inscription volontaire des familles. Elle a également, de manière inattendue, facilité et fluidifié le travail de partenariat local autour des familles.

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Troisième étape en 2015-2018 : évaluation d’efficacité de la version française de PSFP sur 19 communes.

 

Cet essai quasi expérimental a été élaboré et réalisé sous l’autorité de Santé publique France. Il a mesuré l’efficacité de PSFP 6-11 en présentiel versus une intervention minimale de conseils en parentalité sur livret, pour 308 familles recrutées en quartiers politique de la ville par des professionnels dans 19 villes participantes.

Les mesures ont été faites dans les deux groupes avant l’intervention, (T0), un mois après la fin de l’intervention (T1) et 6 mois après la fin de l’intervention (T2).

Les indicateurs de processus sur l’assiduité des familles (78%), la fidélité de mise en œuvre du programme (91%) et la satisfaction des parents (97%) confirment la bonne adaptation de PSFP à ses contextes d’implantation sur le territoire.

Les résultats confirment l’efficacité de PSFP chez les enfants de 6-11 ans et leurs parents, en comparaison à une intervention minimale. PSFP montre des effets sur :

  • L’hyperactivité et les troubles du comportement chez les enfants
  • Les compétences parentales telles que l’engagement parental
  • Le bien-être des enfants
  • La santé mentale des parents
 Consultez l’étude réalisée par Santé publique France entre 2015 et 2018.

 

Depuis 2019 se poursuit un travail d’évaluation et d’adaptation permanent avec les équipes départementales et régionales formées à l’implantation.

Entre 2021 et 2023, Santé publique France réalise une évaluation de suivi de la qualité d’implantation et d’efficacité du programme.

Cette évaluation continuera de mesurer les indicateurs de processus des implantations, les principaux indicateurs d’efficacité et innovera en testant l’évolution des pratiques professionnelles des animateurs.

L’adaptation de PSFP pour les familles avec des enfants de 3 à 6 ans, entre 2017 et 2020 a suivi le même chemin, déjà balisé par l’adaptation du PSFP 6-11.

 

Elle a été guidée par les recommandations spécifiques de Karol Kumpfer, l’expérience et les évaluations d’une structure américaine mettant en place SFP depuis vingt ans et SFP 3-6 depuis 8 ans. Elle a bénéficié du concours des équipes déjà formées et rompues à l’animation du 6-11 depuis ses débuts en France.

 

Son évaluation a concerné 45 familles ; l’étude comparative avant/après a été réalisée par le département de Santé publique du CHU de Nice, selon le modèle élaboré par Santé publique France pour le PSFP 6-11. Elle a montré des résultats positifs, notamment sur la qualité de vie des parents et les comportements des enfants.


[1] Buckart G. North American drug prevention programmes: are they feasible in European cultures and contexts? European Monitoring Center for Drug and Drug Addiction, Luxembourg: Publications Office of the European Union. January 2013

[2] Karol L. Kumpfer, Ph.D., Keely Cofrin, Ph.D., Jing Xie, M.S. and Henry Whiteside, Ph.D. Lutra Group SP.Strengthening Families Program Evaluation Report Mouans Sartoux. March 3, 2012 to June 28, 2012

[3] Roehrig C. Soutien à la parentalité : une étude d’implantation du programme Strengthening families program en France. Dépendances. 2013 ;50:16-9.

[4] Expérimentation de l’implantation en France du programme américain de soutien à la parentalité Strenghtening Families Program (6-11 ans). Rapport d’évaluation externe, Atelier de l’évaluation en promotion de la santé. Août 2014.